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    Elisabeth tombait. Elle flottait dans les airs, les membres mous, qui semblaient partir dans tous les sens. Elle voyait le ciel s’éloigner de plus en plus. Les nuages blancs étaient flous. Elle ne pleurait pas mais elle ne souriait pas non plus. Elle espérait qu’elle ne retournerait pas dans sa chute. Elle ne voulait pas voir le sol se rapprocher sous elle. Au moins, dans le ciel de ce mardi, elle arrivait à se représenter le visage souriant de Lucie devant l’école. Sa fille, comme d’autre, avait fait sa rentrée ce matin. Elle revoyait le sac bleu de la jeune écolière. D’ailleurs, il était aussi bleu qu’aujourd’hui. Soudain, Elisabeth sentit une larme s’envoler avec elle. Qui allait s’occuper de Lucie ? Elle était si jeune, six ans à peine. Qui allait lui dire que sa maman était tombée au milieu des cendres ? Elisabeth voyait dans sa chute voler les cendres autour d’elle. Il semblait neiger. Pourquoi neigeait-il le jour de la rentrée ? Plus elle tombait, plus elle entendait les gens hurler. Le ciel s’était assombrit à cause de la poussière, de la fumée. Elle voyait dans le lointain le lieu d’où elle avait sauté. Elle était si fière d’avoir été à cet endroit au moins une fois dans sa vie. Elle se rappelait de la vue époustouflante. Elle avait juré à Lucie de l’emmener voir ce lieu si magique. Une autre larme s’envola. Elisabeth voulait toucher le sol en ne pensant qu’au visage souriant de sa fille. La vie était si injuste. Aujourd’hui, qui devrait n’être qu’un jour de rire et de joie, ce jour rendait une enfant sans père orpheline. Qui se souciera de son enfant ? Pas ses parents, dans tous les cas. Ils avaient renié  leur fille le jour où elle leur avait annoncé qu’elle était enceinte. Et qui dira au père de sa fille que celle-ci avait besoin d’elle ? Dire qu’Elisabeth avait hésité à rester auprès de son enfant pour ce jour très spécial. Si elle l’avait fait, elle ne serait pas en train de tomber. Le sol, elle le sentait, se rapprochait dangereusement. Elle se remémora une dernière fois le visage de Lucie. Elle murmura le nom de sa fille. Le sol la percuta. La dernière chose qu’elle vit fut le dernier sourire de son enfant au milieu des deux tours enflammées, ce bien triste jour de Septembre.

     


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  • Devant sa feuille, elle réfléchissait, mordant le bout de son crayon. La prof était assise devant son bureau. Elle ne voyait pas son élève qui la regardait. D’ailleurs, celle-ci pestait contre elle. Elle en avait des bonnes, la prof ! Surtout en expression écrite. « Raconter un épisode passionnant de votre vie » Bien sûr, tout le monde avait sauté sur son crayon sauf elle. Ils ne se rendaient pas compte de la chance qu’ils avaient d’avoir une vie bien remplie et intéressante, en plus ! Certains se plaignaient même de ne pas avoir de temps à eux !

    Toujours penchée sur sa copie, elle repassa le film de sa vie.

    Elle était née il y 13ans. En faite sa naissance n’était pas prévue ni voulue. Ses parents avaient trop bu ce soir-là, à la fête du village. Quand sa mère avait appris qu’elle était enceinte, elle avait hurlé puis s’était évanouie. En plus, il était trop tard pour avorter. Elle n’eut pas d’autre choix que de mettre cette enfant au monde. Elle ne prit pas la peine de lui donner un nom. En sortant de l’hôpital, elle la conduisit chez son père, sonna, la posa devant la porte et partit après 3 mots : « C’est ta fille »

    On ne l’a plus jamais revu.

    Pendant un an, son père s’occupa bien d’elle puis il sombra dans l’alcool. Résultat, elle n’est  jamais sortie de chez elle, sauf pour aller à l’école puis au collège. Elle a déjà été en ville. Il ne l’a jamais su, il cuvait son vin.

    Voilà sa vie. Très passionnant, n’est-ce pas ?

    Ce soir, elle rentrera, il sera par terre, soûl. Elle nettoiera son vomi puis fera ses leçons. Quand elle aura fini, elle mangera des machins en boites puis elle lira. Lire est le seul moyen qu’elle a trouvé pour s’évadé loin de son monde. Demain, tout recommencera. Ainsi pendant encore longtemps. Et le pire, c’est lorsque la prof corrigera sa rédaction, elle lui mettra 16/20 avec un commentaire :

    « Très bien écrit. Dommage, le sujet n’a pas été respecté. »

     


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  • Les pieds dans la glaise, les mains tachées de sang, les cheveux volant au vent, elle regardait la mer qui s’agitait dans un bruit fracassant. Elle voyait au loin le soleil se coucher, rougeoyant le ciel et les quelques nuages. Bientôt, les étoiles apparaitront dans l’éther, brillantes. Mais elle ne sera plus là pour les voir, les contempler. Car pour elle, en haut de cette falaise de granite, sa dernière heure avait sonné.Elle était jeune, 16 ans à peine. Mais pourtant, la vie lui avait réservée les pires choses qu’il pouvait arriver à une enfant.La vie l’avait faite belle. Grande, au visage ovale, à la peau pâle ivoire qui contrastait bien avec ses grands yeux noirs. Ses cheveux tombaient sur son dos, légèrement ondulés. Sa taille était fine, sa poitrine comme il le fallait. Mais si la vie l’avait faite belle, elle vivait tristement.Sa mère était d’une rare beauté et tous les hommes la convoitaient. Seule une personne avait conquis son cœur. Un étranger, détesté de tous, sauf d’elle. Ses parents, de riches bourgeois, n’avaient jamais accepté cet amour. Alors, elle s’était enfuie pour se marier avec celui qu’elle aimait. Elle tomba enceinte rapidement, pour le bonheur du jeune couple. Ils préparèrent l’arrivée de leur enfant avec beaucoup de soin et d’amour. Ils étaient heureux mais leur bonheur fut de courte durée. La jeune femme mourut en couche. Son enfant, une magnifique fille, survécut mais son père sombra dans le chagrin et la folie.Il revint dans le village natal de sa défunte femme. Il confia aux grands-parents la tâche de s’occuper de leur petite fille. Le vieux couple laissa le pauvre homme sur une route de campagne où il y mourut de faim, de désespoir et de froid. Il espéra que sa fille soit heureuse. Malheureusement, son vœu ne fut pas exaucé.Dès son plus jeune âge, l’orpheline devint servante aux services de ses propres grands parents. Elle ne savait quelle place tenait ses employeurs dans sa famille. Elle était détestée de tous, de sa famille qui la jugeait coupable de la mort de la belle jeune femme qu’avait été sa mère, des autres servants qui connaissaient ses origines. Malgré le fait qu’elle subissait plus d’injures, de coups, de fouet qu’eux même, ils la détestaient. Elle grandit donc seule, sans amour.Elle n’avait qu’un seul ami, le garçon d’écurie. C’était le seul, de 5 ans son ainé, à lui avoir apprit à rire et à vivre. Petite, il la rejoignait dans ses cachettes où elle pleurait et il jouait avec elle. Il connaissait ses origines mais il n’en avait rien à faire. Il s’occupa d’elle. Avec le temps, il devint son confident. Un sentiment d’amour naquit petit à petit entre eux.         Mais quand les maîtres de maison découvrirent cet amour, ils bannirent le jeune homme et fouettèrent leur petite fille jusqu’au sang. Malgré les coups et l’exclusion, l’amour est plus fort et ils continuèrent à se voir. Puis, un jour, ils choisirent de prendre une vengeance sur la vie et de s’enfuir, ensemble.C’est pourquoi aujourd’hui, les cheveux dans le vent au bord de la falaise, elle regardait la mer une dernière fois. Derrière elle, un homme la tenait par la taille. Il l’embrassa dans le cou. Ils se retournèrent et ils partirent C’est pourquoi, elle ne vit pas les étoiles dans le ciel. Pour elle, se dernière heure avait sonné dans cette vie de tristesse. Maintenant, sa vie commençait dans les bras de son âme-sœur.

    Une enfant, une falaise

    Voilà un dessin fais par une amie inspiré par cette nouvelle.

     


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  • Les gyrophares me hurlent dans les tympans. Le sol est froid et dur pourtant l’air qui m’entoure est brûlant, presque étouffant. Je suis perdu. Comment ai-je fait pour en arriver là ? Je ne me rappelle de presque rien. Tout est flou dans ma tête. Je vois un visage. C’est une fille. Elle est blonde aux yeux verts. Elle est belle. Ça y est, je m’en souviens ! C’est Alice. Ah, Alice…Elle est si belle, si mystérieuse, inaccessible. Je l’ai rejointe plus tôt dans la soirée. Je me souviens de tout maintenant. Les lumières, les flashes, les hurlements de joie, l’alcool. Tout le monde riait. On s’amusait. Mais pourquoi suis-je là, étendu par terre ? J’ai dû boire, moi aussi. Non, c’est impossible. J’ai fais une promesse avant de partir. Une promesse importante. J’ai juré à maman de ne pas boire. Et je ne peux pas m’imaginer la trahir. Pas elle. Mais qu’est qui s’est passé ? Et les amis, où sont-ils ? Alice, elle n’était pas avec moi ? Si, on avait pris la route ensemble. Je bouge légèrement la main. La douleur m’irradie le bras. Mais je sens contre ma peau une autre main. Celle-ci est glaciale. Non, Alice, non pas toi ! Ne me dis pas que… Et pourquoi je me sens si loin de tout maintenant ? Je suis mort ? Désolé maman. Je n’ai pas touché à l’alcool mais l’autre en face n’a pas fait cette promesse. Je t’aime maman. Toi aussi Alice. Désolé, Alice, désolé de ne pas avoir pu te protéger, petite sœur.

     

    Promesse


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  • Au fond d'une nuit sans étoiles, une nuit sans espoir, une nuit de tristesse, une nuit sans lendemain, un homme embrasse une femme comme pour la dernière fois. Sans un bruit, ils glissent dans les draps glacés de cette dernière nuit. Dans la pièce d'à côté, les enfants font semblant de dormir mais leurs yeux sont remplis de larmes qui coulent le long de leurs joues, déjà trempées. La plus petite dort dans le lit de son grand frère. Elle a peur. Ils ont tous peur. Peur que cette nuit ne soit pas leur dernière nuit de larme, peur du présent, peur du futur.

    Dans la chaumière d'à côté, une jeune épouse tient un bout de papier entre les mains. Cette feuille, arrivée la veille, était trempée de ses larmes. Son mari la rassure, il sera là pour la naissance de leur enfant. Il regarde le ventre arrondi de la femme qui pleure. Deux grosses larmes s'écrasent sur la feuille et ils s'étreignent pour pleurer, ensemble.

    Sur la place du village, un vieux couple pleure leur enfant. Demain, ils partiront, loin. La vieille femme aux cheveux gris, pleure, la tête dans une lettre. Demain, elle serait forte pour ses fils. Elle regardera le train s'évanouir dans le paysage, avec d'autres femmes et d'autres enfants.

    Car partout dans le village, des hommes, des femmes, des enfants pleuraient, s'étreignaient, s'embrassaient, priaient.

    Car tous avaient reçu, l'avis de mobilisation pour cette qui s'annonçait, le 30 août 1914.

    Une dernière nuit


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