• Sur les routes

    Les lignes floues du paysage défilent sous mes yeux. Les lumières se mélangent, les couleurs emplissent mes pupilles aléatoirement. Je sens mes paupières se refermer doucement, un signe de plus trahissant ma fatigue grandissant. La vitre glacée refroidit mes joues bouillantes. Je sursaute lorsque les roues se soulèvent sur le bitume. Tout n’est que sursaut, mouvement. Le silence règne en maître dans le bus, secondé par le ronron continu du moteur. On entend quelques fois le froissement d’un paquet ou les cliquetis d’un portable. Personne ne se fait remarquer, chacun vaquant à ses occupations, essayant de tromper le temps. Voilà plusieurs heures que l’autocar parcourt les routes, s’arrêtant de temps en temps pour une pause. Sinon, il faut tenter de ne pas s’ennuyer, coincé entre deux sièges. Moi aussi, j’essaie de passer le temps. Les oreillettes vissées et la musique emplissant mes tympans, j’ai tenté d’éviter de penser. J’ai lu longtemps et écrit un peu. Mais maintenant, je ne peux empêcher  mes pensées de s’imposer dans mon esprit. La tête collée contre la vitre, je repasse le chemin que j’ai déjà parcouru et celui qu’il me reste à faire. Je ne connais pas encore ma destination finale. Je me contente d’avancer, de suivre les chemins que mes pieds croisent. Je voyage. Seul.

    Je pense à ceux que j’ai laissés derrière moi. J’imagine qu’ils doivent s’inquiéter pour moi. Je n’en doute pas. Mais ce n’est pas pour cela que je rentrerais maintenant. Il me reste trop de choses à voir, à découvrir. Tant de routes me tendent les mains et je dois les saisir, maintenant ou jamais. Je suis resté trop longtemps statique, dans ma famille, entouré d’amour. Surprotégé. Je me suis contenté de cette vie durant des années. Puis le rêve a envahi mon âme. Jusqu’au moment où rêver ne suffit plus. Il fallait que je m’envole, par tous les moyens.

    Le premier bus est empli d’adrénaline et de peur. A chaque arrêt, je m’attendais à ce qu’on vienne me chercher. Mais rien. Alors j’ai poussé les limites, enchaînant les bus et les trains. Il a fallu quelques nuits à la belle étoile et beaucoup de petits travaux à droite et à gauche pour continuer le chemin. Et les paysages sont toujours plus beaux lorsque la route continue. Aux décors s’ajoutent les gens. Ils brillent tous à leur manière. Certains posent des questions, d’autres non. Peu comprennent mon choix. Ils ne comprennent pas qu’une vie aussi ordonnée, aussi réussie, sans problèmes, puisse être à ce point étouffante. Et pourtant… Il m’a fallu partir voir le monde, malgré tout. Une vie de vagabondage, du moins une période sur les routes. Aussi longtemps que l’air libre ne me lassera pas, je continuerais cette route sans destination. « Le voyage est un voyage, non une destination ». Mon voyage commence.

     

     


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